Rejet massif du « choc des savoirs » : discutons de la grève pour le bloquer

     Lors du Conseil Supérieur de l’Éducation du 8 février, 6 textes sur le « choc des savoirs » ont été présentés. La FNEC FP-FO a voté contre l’ensemble des textes, comme la grande majorité des membres du CSE.

Ce « choc contre les savoirs » s’inscrit dans la continuité et dans l’aggravation des contre-réformes menées ces dernières années. Après la réforme du collège de 2015 et celle du lycée de 2018, qui ont supprimé des milliers d’heures disciplinaires, après le baccalauréat Blanquer et « Parcoursup », véritables machines à déqualifier la jeunesse, le « choc des savoirs » franchit une étape supplémentaire dans la destruction de l’École publique : moins d’enseignements, plus de déréglementation…

« Choc des savoirs », « Parcoursup », « Réforme de la voie pro », « SNU » : un même objectif, parachever la destruction de l’École publique

En outre, cette réforme transformerait le collège en machine à trier les élèves en organisant les cours de mathématiques et de français en groupe de niveaux et en conditionnant l’accès direct au lycée par la mise en place de prépas lycées 2de en LGT ou LP.

Dans la logique de la réforme de la voie professionnelle, des stages en entreprises en fin de 2de et de la généralisation du Service National Universel, il s’agit pour le gouvernement d’orienter des millions d’élèves vers l’exploitation patronale ou l’embrigadement dès leur plus jeune âge.

En remettant en cause le droit à l’instruction pour tous, le gouvernement sait ce qu’il fait : pousser les familles qui le pourront à choisir le privé plutôt que le chaos.

Mise en place des groupes de niveau au collège

Ce projet va maltraiter une génération entière de collégiens. Sortir les élèves du groupe, supprimer les classes, confronter les enfants à un changement perpétuel de camarades est source de mal-être, comme c’est le cas pour les lycéens suite à la réforme du lycée. Ce tri des élèves en organisant les cours de mathématiques et de français en groupes de niveaux va évidemment accroître les inégalités.

Créer ces groupes de niveau est en soi catastrophique. Couplé avec les moyens qui manquent partout, cela entraîne des effectifs toujours plus chargés dans les classes et dans les groupes. La prétendue souplesse par établissement pour mettre en place cette réforme dont personne ne veut n’est qu’une manière de laisser la responsabilité de la gestion de la pénurie aux chefs d’établissement.

En même temps, ce décret maltraite les enseignants :

  • les enseignants de technologie traités avec mépris, leur discipline étant supprimée en 6e l’année dernière pour la remplacer par le dispositif de soutien et d’approfondissement voué à disparaître l’an prochain pour créer des groupes de La suppression totale de cette heure d’enseignement faisant passer de 26 à 25h d’enseignement en 6e est inacceptable ;
  • les enseignants de lettres classiques qui voient encore leur volume hebdomadaire réduire d’une heure en 4e et en 3e ;
  • les enseignants d’arts plastiques, de musique, de LV2 dont les disciplines en particulier deviennent des variables d’ajustement ;
  • les enseignants de SVT, de physique, de technologie encore eux, qui voient les derniers dédoublements supprimés, ce qui empêche toute manipulation ;
  • les enseignants de mathématiques et de français, évidemment, privés d’enseigner à des classes, d’enseigner à des élèves qu’ils connaissent vraiment, privés de leur liberté pédagogique et privés d’être professeur principal dans des conditions correctes. Dans les petits établissements, les postes à complément de service, parfois sur des établissements éloignés se multiplient pour mettre en place les groupes en barrette.

L’ensemble des enseignants va subir la désorganisation du collège avec des emplois du temps catastrophiques, et des effectifs dans les classes qui ne font qu’augmenter.

Et pour l’ensemble des personnels, en particulier les vies scolaires, les conditions de travail vont encore être dégradées par l’augmentation des conflits et du mal-être des élèves qu’ils devront recueillir.

En outre, dans certains départements, des pressions s’exercent déjà sur les Professeurs des écoles, notamment de CM2, pour faire les groupes de niveaux en français et en mathématiques qui serviront en 6e ! Inacceptable !

Enfin, les heures de soutien, rémunérées en HSE ou en « pacte », pourtant rejeté, qui pourront être assurées par les professeurs des écoles, sont également inacceptables.

Le ministère, sans revenir sur le texte, indique que le texte ne précise pas le nombre de groupes de niveaux à mettre en place en mathématiques et français. Les 3 niveaux ne sont pas imposés. Il indique que les DASEN centralisent les manques de moyens actuellement.

Vote sur l’arrêté modifiant l’arrêté du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège : 67 contre ; zéro voix pour et une abstention (UNAF)

Conséquences du « choc des savoirs » sur les classes de SEGPA

Comme pour l’enseignement général, les élèves de SEGPA perdent une heure d’enseignement en 6e et deux heures de soutien sont possibles, là aussi, rémunérées en HSE ou en « pacte ».

Le texte évoque également des groupes pour l’enseignement de mathématiques et de français alors qu’aucun moyen n’a été attribué pour dédoubler les classes, pire, les moyens en SEGPA ne font que diminuer, avec la multiplication du regroupement des classes à double niveau, le manque de moyens pour permettre les dédoublements en ateliers …

Dans certains collèges les élèves SEGPA sont intégrés dans les groupes des élèves les plus en difficulté.

C’est la remise en cause des classes SEGPA.

Vote sur l’arrêté modifiant l’arrêté du 21 octobre 2015 relatif aux classes des sections d’enseignement général et professionnel adapté : UNANIMITE CONTRE

Modification des règles de redoublement

Le texte sur le redoublement ne permettra pas aux élèves fragiles d’acquérir les savoirs qui leur seront nécessaires pour réussir leur scolarité. Le décret ne permet pas d’atteindre cet objectif. Pour pouvoir décider un redoublement, il faudra respecter une procédure très lourde, chronophage et dissuasive tant pour les équipes pédagogiques que pour les élèves.

  • Les élèves devront avoir participé aux actions pédagogiques du programme personnalisé de réussite éducative (PPRE).
  • Le texte précise : « Ces actions, avec l’accord des responsables légaux, et sur la base du volontariat des professeurs, peuvent prendre la forme de stages de réussite organisés lors des vacances scolaires dans la limite de trois semaines par an ».
  • Des rencontres avec les responsables légaux avant la fin du second trimestre (premier semestre). Si le ministère voulait mettre en place un redoublement utile aux élèves, il lui fallait créer des milliers de postes, ce qui n’est pas le cas.

Les commissions d’appel resteront en vigueur. L’article L311‑7 du code de l’Éducation disposant que « le redoublement ne peut être qu’exceptionnel » ne sera pas abrogé. Au final, il n’y aura pas plus de redoublements, mais on fera assumer la responsabilité de faire passer des élèves qui n’ont pas le niveau aux professeurs qui n’auront pas voulu/pu mettre en place les contraintes non statutaires.

Vote sur le décret relatif à l’accompagnement pédagogique des élèves et au redoublement : Pour : 3 (SNALC, CFTC) Contre : 57 (dont FNEC FP-FO) Abstention : 11

La classe préparatoire à la classe de seconde pour les recalés du DNB

Le dispositif destiné aux élèves qui n’auront pas obtenu le DNB en fin de 3e est présenté comme facultatif pour l’année 2024–2025 et 150 Emplois Temps Plein sont prévus afin de permettre l’ouverture d’une classe préparatoire à la seconde par département. Aucune visibilité n’est donnée sur les moyens attribués à partir de 2025–2026, mais il est déjà prévu qu’il n’y aura pas de telle classe dans chaque lycée. Les élèves n’accepteront pas de parcourir des distances importantes pour suivre une telle formation. Cette mesure risque donc d’augmenter la déscolarisation des élèves qui étaient auparavant majoritairement scolarisés dans les lycées professionnels et va les livrer à l’apprentissage pour répondre à la demande du patronat.

Pour cette « classe préparatoire à la seconde », aucun programme n’est prévu, mais « l’organisation et la mise en œuvre de la formation s’appuient sur des projets pédagogiques, [dont] les thématiques sont définies par l’équipe pédagogique, puis validées par le chef d’établissement ». C’est la mise en place d’un niveau totalement territorialisé, en dehors de tout cadre national et qui présentera une charge de travail supplémentaire conséquente pour les enseignants qui en auront la charge.

A la fin de leur année, les élèves n’auront pas l’obligation de repasser le DNB. Ils se verront délivrer une attestation de fin de cycle préparatoire à la classe de seconde.

On peut craindre que la mesure si elle était appliquée conduise non pas à élever le niveau de connaissances des élèves, mais à abaisser celui du DNB et à renforcer les pressions des parents sur les notes au collège comme on le constate au lycée.

Parmi les élèves qui n’ont pas le DNB actuellement, 45 000 sont orientés vers la voie professionnelle. Ceux qui n’ont pas eu le DNB et qui étaient orientés en 2de professionnelle ne le seront pas à la rentrée 2025. Cette réforme va contribuer à fragiliser la voie professionnelle tout comme la réforme Macron- Grandjean dont la FNEC FP-FO exige le retrait.

Projet de décret relatif à la labellisation des manuels scolaires

La notion même de labellisation est contraire à la liberté pédagogique des enseignants à laquelle FO est très attachée. En France les seuls précédents renvoient à une période assez peu glorieuse, celle du régime de Vichy.

Aujourd’hui, avec ce texte, le ministère fait injure aux professeurs en laissant entendre que ceux-ci ne sont pas capables de juger de la conformité d’un manuel scolaire avec les programmes d’enseignement et sa qualité pédagogique et didactique.

Les éditeurs n’imprimeront plus que des manuels labellisés pour être sûrs de pouvoir les vendre. C’est

donc une censure économique que le ministère cherche à mettre en place aujourd’hui.

Certes, chacun a pu relever à un moment ou à un autre des erreurs dans les manuels, ou des exercices impossibles à faire. Ces maladresses sont très souvent dues à la durée beaucoup trop courte entre la publication des programmes et leur mise en application dans les classes. Mais ce problème n’est absolument pas pris en compte par le texte présenté par le ministère.

Vote sur le décret relatif à la labellisation des manuels scolaires : Pour : 2 ; Contre : 57 (dont FNEC FP-FO) ; Abstention : 2 NPPV 0

Le « choc des savoirs », loin d’apporter des remèdes aux maux dont souffre l’Éducation nationale va désorganiser les établissements, compliquer les apprentissages, remettre en cause les postes et les statuts des personnels.

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